Récits

Quelques mots pour dire des histoire et raconter des souvenirs

Varanasi, un Gange et des Ghats (novembre 2017)

« Moi Varanasi je ne veux jamais y aller, je trouve qu’il y a un côté trop voyeur à se rendre dans le temple de l’Hindouisme pour un non initié ». Un vieux français croisé à Dheli avait failli nous décourager d’aller là bas. Et puis j’étais en train de lire Dans la peau d’un intouchable, de Marc Boulet. Récit d’une expérience incroyable de ce Marc, journaliste et écrivain français, qui décide de se transformer en Intouchable, caste la plus faible en Inde, et vivre dans la rue de Varanasi parmi d’autres sans domiciles et intouchables, pendant 3 mois. Ce livre dépeint une ville sale, polluée, bruyante, désorganisée, où l’hyper spiritualité des pèlerins venus y y prier, ou y mourir - car pour tout Hindou, il faut mourir à Varanasi et finir en cendre dans le Gange - ne répond qu’à l’hyper agressivité des indiens entres eux, des quartiers hindous vis à vis du quartier musulman, des touristes vis à vis des mendiants, des valides vis à vis des estropiés, et inversement, des bateaux à moteur vis à vis des simples rameurs,… Bon alors c’est vrai que c’est globalement sale, globalement pollué, qu’il y a du bruit - pas plus que dans n’importe quelle ville indienne - et qu’il faut bien compter une heure de taxi, tuc tuc, et marche cumulés pour descendre de la gare jusqu’au Gange. Mais cette arrivée au bord du Gange, ces Ghats qui s’enfilent sur des kilomètres, ces prières continues, quel spectacle ! Encore une fois, il faut le découvrir au petit matin, lorsque le soleil n’est qu’une boule rouge au dessus de l’immensité du Gange, à bord d’une petite barque à rame qui nous balade le long des Ghats. Ces matins là, le vacarme de la ville n’existe plus, il a rebondi contre le Gange, ce fleuve énorme, probablement l’un des plus grands du monde et certainement le plus pollué. Lorsque la barque glisse à sa surface, Il ne reste avec nous que la magie et le silence, duquel s’élèvent des prières, des chants, des sons de cloche qui annoncent le début d’une cérémonie Puja, des bruits de vêtements humides qu’on frappe contre le sol après les avoir trempés dans le fleuve pour les laver.

Notre barque heurte une vache morte qui dérive. Je lève la tête, plus loin des dizaines de feux qui brulent sur les Ghats. Les crémations se déroulent à deux endroits des rives du Gange et il est interdit d’y prendre des photos ou de filmer, par respect pour les familles qui sont en train de se recueillir. Il y a de toute façon un respect et un silence naturels qui s’installent autour de ces lieux. Un voyeurisme respectueux, sorte d’éco dépaysement pour touriste ? Peut-être. Mais les Indiens s’en foutent des touristes, ils y croient. Et il y a pour nous quelque chose d’irréel à voir ces corps brûler à ciel ouvert, ligotés sur des buchers installés à même le sol. Les chaires sont consommées par les flammes, les cendres sont poussées dans le Gange, et l’âme envoyée vers sa vie future dont le Karma décidera si elle sera meilleure que la précédente. La boucle est bouclée, le Gange un peu plus pollué, on amène le bucher suivant !


Matthieu Nicoletti