Récits

Quelques mots pour dire des histoire et raconter des souvenirs

Brèves d'Inde

L'Inde est notre premier arrêt, et quel arrêt ! La découverte d'un pays qui ne ressemble en rien à ce que nous connaissons. Une perte de repères exaltante, parfois inquiétante. Certains se demandent s'il est encore possible d'être vraiment dépaysé en voyageant aujourd'hui, oui, c'est possible, il faut aller en Inde !

Le dépaysement dès la montée dans l'avion. On part pour huit mois, c'est long, c'est bizarre. Et puis dans l'avion Air India, il y a cette moquette orange, cette odeur, cette musique, notre voisin, les hôtesses en sari, le tikka masala à la carte. Sur le tarmac de l'aéroport Charles de Gaulle, nous ne sommes déjà plus chez nous

La liberté. De ces premiers trajets en tuk tuk à l'arrivée à New Delhi, de l'air plein la gueule, des pots d'échappements aussi.

La curiosité de nos premiers repas, à commencer par notre déjeuner à la sortie de l'avion avec Alex, qui dirige sa boîte de voyages en moto et vit à mi-temps à Delhi depuis 12 ans et nous donne rendez-vous dans sa cantine de tous les jours, cahute en tôle ondulée posée au croisement de deux boulevards d'un quartier sud de Delhi. Clientèle 100% indienne, on est assis sur des briques sur le trottoir et des hommes préparent des plats veggie dans des grands tonneaux posés derrière nous. Après quelques minutes, on nous sert une préparation à base de haricots et curry accompagné de plusieurs petits Rali (leurs petites galettes de pain. Les nan en sont la version large). C'est épicé, alors Alex nous achète chez le vendeur d'à côté 2 yaourts pour apaiser note palet. Celui-ci vient de goûter la vraie nourriture indienne, et il aime ça.

 

L'émerveillement. Devant ces palais immenses construits dans tout le Rajasthan par des Princes venus d'ailleurs, souvent de Mongolie, à l'époque de l'Empire du même nom. La religion n'est pas en reste. Mosquées, minarets, temples hindou en 100% marbre, nous découvrons des ouvrages aussi beaux qu'envoûtant.

La tristesse et l'interrogation: En sortant de cette matinée à Old Delhi, où nous venons de passer 3h à marcher à travers les petites ruelles, sur des tas d'ordures, des tas de merde, devant des milliers gens qui n'ont que ce trottoir là pour habitat, lieu de travail, lieu d'aisance, et pour certains qui ne peuvent même plus compter sur leurs deux mains, leurs deux jambes, leurs deux yeux... cette misère est violente, sale, inhumaine. Les villes d'Inde, comme toutes les villes du monde, accueillent chaque jour des milliers de nouveaux habitants. Pour l'espoir d'un boulot sans doute. Mais en acceptant ce taudis, cette promiscuité sans limite? L'Inde compte aujourd'hui 1.3 milliard d'habitants, ce sera 1.5 milliard dans 10 ans selon les projections...

Au volant, Les indiens klaxonnent pour prévenir qu'ils doublent ou, lors d'un rétrécissement de la chaussée - chose fréquente - pour signifier à celui d'en face qu'ils passent (c'est donc au premier qui klaxonne....ou pas ), mais également avant un virage, pour saluer un ami, pour prévenir qu'ils arrivent, ou annoncer qu'ils partent, ou simplement parce que l'autre a klaxonné. Le reste du temps, ils ne klaxonnent pas.

Les indiens conduisent globalement à gauche, de temps à en temps à droite, et très souvent au milieu, ou là ou il y a la place.

Créer un embouteillage monstre est une chose très facile en Inde. Ca prend 3 minutes.
Prenons un rétrécissement de la chaussée, ne laissant le passage que pour une seule voiture. Deux assaillants s'en rapprochent de chaque côté, usant du klaxon... Chacun estimant qu'il a klaxonné le premier, les deux pare-chocs s'avancent  inlassablement jusqu'à se retrouver face à face, collés, dans l'entonnoir. Ca ne passe pas (mais ca on l'avait vu depuis longtemps) ! Derrière, les voitures s'agglutinent rapidement contre les coffres des deux opposants, sans laisser le moindre espace pour manœuvrer. Voilà de chaque côté deux immenses files de voitures, scooters, tuk-tuk, tous agglutinées, et au milieu un beau bouchon. Bientôt, quelques indiens vont sortir des véhicules et tenter de faire reculer tout ce petit monde sous un concert de Klaxon, pour débloquer la situation. Ca va durer 3 heures.

Premiers tuc-tuc.
Nous "meter"; lui (il n'y a pas de elle) "not working, 400rp" ; nous "250" ; lui "ok"
Quelques tuc-tuc plus tard.
Nous "meter" ; lui "not working, 400rp" ; nous "pffff" (avec un air dédaigneux) "100" ; lui "no my friend, too far". Attente de 30 secondes en faisant mine de ne plus s'intéresser à lui. Lui "150". Ok. On progresse.

L'Inde c'est parfois l’impression d’un mélange entre un voyage au moyen âge et dans les contes des milles et une nuits. "Ouah ce palais! Tiens, un type qui chie par terre"

Il faut manger avec main droite, dire bonjour avec la main droite, écrire avec la main droite... la main gauche est impure, c'est celle avec laquelle on se torche le cul. Calvaire pour les gauchers !

Dans les longs trajets en train qui nous permettent de traverser le Rajasthan, nous lisons, buvons du chai, regardons défiler le paysage, et répondons aussi à nos voisins qui veulent généralement savoir notre "country name", si c'est notre "first time in India" et comment nous nous appelons. Nous avons également regardé quelques films. Et notamment l'incroyable Gandhi de Richard Attenborough, et Le génial Darjeeling limited de Wes Anderson. Une épopée dramatique et un voyage où l'absurde côtoie la magie. Gandhi qui fait capituler un Empire grâce à deux grèves de la faim, pas sûr que l'absurde soit du côté de Wes Anderson.

Deux phrases de Gandhi, quand même, quand nous hésitons...
"Rendre les coups œil pour œil, jusqu'à ce que les deux soient aveugles?"
"Dans l'histoire, l'amour et la vérité l'ont toujours emporté. Il y bien eu quelques tyrans, mais quelqu'ait été l'étendu de leur pouvoir, et il y en a eu de très puissant, ils ont toujours fini par disparaître... toujours"

Le mot le plus prononcé par les Indiens depuis notre arrivée? "Selfie". En tout cas c'est celui que nous avons le plus entendu, les locaux nous demandant très souvent  s'ils peuvent se prendre en photo avec nous lors de nos balades en ville. En deuxième, il y a "Happy Diwali" !

Déception pour Diwali cette année, les pétards et feux d'artifices avaient été interdits à Delhi pour éviter le pic de pollution géant que cela engendre chaque année. Sage décision donc. Mais pour les pétards, nous partons donc pour Jaipur!

Lire les systèmes de caste. Ne rien comprendre. Relire encore. Il y a trop de castes différentes et de sous castes en Inde. Ce qui est très clair, c'est qu'1/4 des indiens est considéré comme exclu du système de caste, ce sont les intouchables, Les enfants de Dieu. Ils sont tout en bas de l'échelle, ne pratiquent que les pires métiers: éboueurs, balayeurs,... et sont traités à la limite de l'esclavage par les autres indiens. Et dans Les campagnes, il existerait encore beaucoup d'histoire morbides de violences et viols contres des intouchables. Le système de caste est-il encore présent dans les nouvelles générations internet ?

En repartant d'Udaipur, Le réceptionniste de notre guest house nous a mis à chacun autour du cou un collier d'oeillets d'Inde en nous souhaitant un "safe trip". Ces fleurs oranges sont présentes partout en Inde et notamment aux abords des temples. Elles protègent celui qui Les portent. Pour Diwali, Les gens en accrochent à l'entrée des maisons. Nous avons oublié les colliers dans la voiture du chauffeur qui nous déposait à notre train. C'était de tout façon mieux ainsi, le train étant tellement plus safe que la voiture sur les routes défoncées du pays. Safe trip Anil !

Ce qu'on n’a pas vu mais qu'on a lu India Today. L'Inde occupe le 4eme rang mondial du classement Global Slavery Index qui recense le nombres de personnes en situation d'esclavage  moderne, juste derrière la Corée du Nord, l'OUzbékistan et le Cambodge, avec plus de 18 millions d'individus, parmi lesquels beaucoup de femmes et d'enfants. Cela concerne des situations de bonded labor, de trafic humain, de mariages forcés et de prostitutions, dont 70% des femmes enrôlées sont des mineurs... Le dossier d'India today relevait de nombreux cas à Varanasi, dans les coulisses sombres de la ville sacrée. Mais sur scène, il y avait bien les bougies et les feux d'artifices.

L'Inde est tranquillement en train d'atteindre le milliard de téléphones portables en service... le second marché mondial des smartphones derrière la Chine a crû de 23% en un trimestre l’an dernier !

La stat Piketty: 57 = 840 millions. En Inde, les 57 top milliardaires indien (le pays en compte désormais 100, soit le 4eme total au monde) possèdent autant que les 70% les plus pauvres (soit 840 million de personnes, parce que ça fait ca, 70% de 1,2 milliard).

Matthieu Nicoletti